VOULOIR LE VOYAGE

Sur les pistes et les sentiers. Dans les steppes et les déserts. Entre le pas feutré du fauve. Et le long vol libre de l’oiseau. Sous le patronage des poètes, des mystiques. Tous ces passeurs illuminés vivants de vie dense, violente. Désireux d’ivresse, d’azur. Demander aux mots la puissance alchimique des athanors. Fixer des vertiges, formuler des impressions. Augmenter son désir. Art du feu et transmutation. Verser dans le creuset de son expérience, couleurs, parfums et sons. Porter les métaux à incandescence. Rite initiatique, païenne cérémonie. Obtenir l’or d’une poignée d’images qui demeurent. Marier ciel et terre. Orages et crépuscules. Éclaircies, aubes, éclipses. Retrouver la trace des dieux anciens. Ivresse de derviche. Dieux de la nature et fécondité. De la fortune et de la chance. Dieux des routes et de la fatalité. Depuis la Terre noire d’Egypte, mystique mortier. Jusqu’aux grands jardins parfumés de Bagdad, paradis éphémères. Traverser avec eux les océans, survoler les montagnes. Planer au-dessus des vallées, transpercer des nuages. S’immerger dans l’éther bleu, pur et glacé. Et fendre l’air gelé. Dans la multiplicité des possibles, infinité des vents et des astres. Vouloir le voyage, réaliser son destin. Sagesse d’un genre panthéiste. Rompre les amarres avec les entraves et servitudes du monde. Loin des raideurs sociales et convenances policées. Des règles collectives et habitus de société. Loin de demeurer prisonnier de sa naissance. D’une terre natale, langue maternelle. Muré dans les pliages primitifs de l’enfance. Dès le premier pas, première aurore, inventer une innocence. A l’affût des merveilles du monde, ses enchantements. Cueillir les roses de la vie à l’instant où elles sont sublimes. Et toujours dans la coïncidence du meilleur moment, croire à l’éternité du renouveau.

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